10 - Le photomaton capricieux

Kléber était tout content aujourd'hui. Hier, la maîtresse avait demandé à chaque enfant d'apporter une photo d'identité pour accrocher dans la classe, et aujourd'hui, comme on était samedi, il allait pouvoir se faire photographier. Son papa lui avait promis de l'emmener au photomaton de la mairie. Kléber avait déjà vu cette machine à photographier. Sa soeur une fois y était allée. Il savait bien comment cela fonctionnait. On se coiffait devant la glace, après on s'installait sur le tabouret et quand on avait mis les pièces il ne fallait plus bouger. Il savait tout cela, mais jamais, jamais il ne s'était fait photographier lui-même par cette drôle de machine. C'est pour cela qu'il était très impatient.

Dès sept heures, ce matin-là, il vint tirer son père du lit: "Dépêche-toi Papa, il faut aller faire les photos !" Monsieur Colombe, encore endormi, regarda son réveil : "Enfin, Kléber... on a bien le temps, la mairie n'ouvre qu'à neuf heures !" Mais, qu'il était donc pressé ce matin-là Kléber !

Ce matin là, il ne fit pas d'histoire pour s'habiller, ni pour se laver, il avala même son chocolat sans dire qu'il était trop chaud ou trop sucré ou qu'il y en avait trop... ce matin là, Kléber ressemblait à un parfait enfant sage!

A huit heures il était prêt. Il attendait son père. Sa maman lui fit encore quelques recommandations : "Surtout Kléber, tu ne fais pas de grimaces.. et tu ne gigotes pas partout quand papa aura mis les pièces... sinon les photos seront ratées !" "Oui, oui, maman, ne t'inquiète pas", promis Kléber... "j'aurai l'air sage... comme une photo !" "Ca y est Kléber ! Je suis prêt", appela son père. Kléber se mit à courir; enfin... on y allait à ce photomaton !

Kléber n'arrêtait pas de galoper dans la rue et sans cesse son père devait le calmer. "Doucement Kléber, tu vas être tout rouge et tout décoiffé sur la photo ".

Enfin ils arrivèrent à la mairie où se trouvait l'appareil automatique à faire des photos.

Et là... quelle déception attendait Kléber ! Il y avait tout un attroupement devant la machine à photos. "Oulalalala!", dit Monsieur Colombe, "mon petit Kléber, la machine a l'air d'avoir des problèmes". Il s'approcha pour voir ce qu'il se passait.

"C'est incroyable ! criait une grande dame, non mais regardez ça !" et elle agitait quatre petites photos où on pouvait la reconnaître mais avec un gros nez rouge et d'épaisses moustaches noires... "Et regardez donc celles ci", disait très en colère un vieux monsieur en brandissant ses photos où on pouvait le voir affublé d'oreilles de lapins... "Oulalalala", reprit le père de Kléber... "la machine est détraquée. On ne va pas pouvoir faire tes photos aujourd'hui".

Mais Kléber n'était pas du tout d'accord. Il était venu pour faire des photos avec cette machine et il voulait faire ces photos. Il prit les pièces que sa mère lui avait confiées et entra dans la cabine en disant à son père qui le regardait faire : "Attends papa, j'ai une idée". Et dans la petite cabine il s'ébouriffa les cheveux, tira sur son tee-shirt, s'installa sur le tabouret tournant et, là, dès qu'il introduisit les pièces dans la fente, il se mit à tirer la langue à l'appareil, en louchant du mieux qu'il pouvait et en gigotant dans tous les sens. Le flash se déclencha et, à chaque fois que le flash partait, Kléber inventait de nouvelles grimaces plus horribles les unes que les autres.

Quand il ressortit de là son père était très inquiet. Il ne comprenait pas du tout l'attitude de son fils, mais il était si étonné qu'il ne trouvait rien à dire.

Aussi, lorsque les photos de Kléber descendirent de l'appareil, quelle surprise ! On pouvait voir dessus quatre très belles photos d'enfant sage, un Kléber bien sérieux, bien peigné, bien habillé, qui se tenait bien droit devant l'objectif. "Tu vois, cria triomphalement Kléber... Elle était bonne mon idée ! Le photomaton en avait assez de voir toujours des têtes tristes et sérieuses alors il est devenu capricieux. Maintenant il est de nouveau content et ne fera plus de farces aujourd'hui".

Et Kléber, très fier de lui, apporta glorieusement sa photo d'identité à l'école, en riant encore en pensant à sa drôle d'aventure de photomaton !

FIN